Pierre Moscovici est diplômé de l’ENA, membre du Parti socialiste. Il a occupé les mandats de député français, député européen et Vice-président du Parlement européen. Il a également occupé des mandats locaux en Franche-Comté. Il fut ministre chargé des Affaires européennes du gouvernement Jospin et ministre de l’Économie et des Finances sous la présidence de François Hollande entre 2012 et 2014, avant d'être nommé Commissaire européen aux Affaires économiques et financières, à la Fiscalité et à l'Union douanière au sein de la commission Juncker jusqu'en 2019. Il est le Premier président à la Cour des comptes depuis juin 2020.
Nous l'avons reçu le lundi 3 mai 2021 pour échanger autour du thème suivant "Faut-il rembourser la dette?"
Une situation économique et sociale bouleversée par la crise Covid
La crise du Covid-19 a entrainé des effets très durs sur l'activité économique en France et au sein de l'Union Européenne. La France a connu une chute de 8,3% de son PIB, tandis que la dette publique s'est élevée pour atteindre près de 120% du PIB français à la fin de l'année 2020, soit une hausse annuelle estimée de 300 à 400 milliards d'euros, des chiffres sans précédents.
Si l'enjeu de la dette publique n'est pas nouveau - aucun budget de l’État n'a été voté à l'équilibre depuis la présidence de Valéry Giscard d'Estaing -, ce sont les montants et les modalités de remboursement qui interpellent.
"C'est une position imprudente de dire qu'une dette ne peut pas être remboursée."
La dette sera remboursée, des solutions existent
Pour Pierre Moscovici, l'idée d'une annulation de la dette est une "thèse dangereuse" et non crédible. Il explique qu'il est de son devoir de dénoncer ce qu'il qualifie de "mensonges", car "la dette publique n'est pas annulable". La confiance en la dette serait sinon mise à mal. M. Moscovici assure que le remboursement de la dette publique sera réalisable.
"Les États ainsi que la Banque Centrale Européenne disposent d'un arsenal juridique et économique de remboursement de la dette."
D'abord, la hausse du niveau de la dette est soutenable car finançable, tant que les taux de croissance restent supérieurs aux taux d'intérêts de la dette. Des taux d'intérêts faibles voire négatifs, couplés à une reprise de la croissance, soutiendraient donc cette thèse. En outre, les États pourront toujours financer le remboursement de la dette en réalisant de nouveaux emprunts - c'est à dire en "roulant la dette".
Interpellé sur le débat autour du cantonnement de la dette - défendue par Bruno Le Maire, ministre de l’Économie et des Finances, déconseillée par la commission Arthuis mandatée par le gouvernement - M. Moscovici explique que la Cour des comptes se positionnera dans ce débat dans les semaines à venir.
Le Premier président de la Cour des comptes insiste sur le fait qu'il n'est pas partisan de l’austérité. Toutefois, il convient qu'il faudra rénover le cadre de gouvernance des finances publiques afin de "maîtriser leurs trajectoires". Au niveau européen, la mutualisation de la dette serait un "signal fort" de cohésion, même si M. Moscovici ne croit pas encore avoir vu le "moment hamiltonien" de l'Europe.
"La mutualisation de la dette sera un signal fort de relance."
Trouver une troisième voie
La hausse sans précédent de la dette publique nécessitera de développer des mécanismes innovants.
Pour M. Moscovici, une bonne gestion de la dette passera par une "maximisation" de la croissance et une redéfinition des règles budgétaires pour que ces dernières ne soient pas hostiles à une reprise de la croissance.
Nathan GUILLOT
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